Le 11 février 2005, la loi handicap était adoptée, avec ses promesses d’égalité des droits et des chances. Pourtant, ces avancées restent encore trop éloignées des besoins sur le terrain. Dès l’enfance, vivre avec un handicap est synonyme de discrimination voire d’exclusion. En protection de l’enfance, ce sont 15% des enfants qui disposent d’une reconnaissance administrative d’un handicap par la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH).
Des politiques sur le handicap encore loin des objectifs d’égalité
Adoptée il y a 20 ans, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap a remanié en profondeur les politiques sur le handicap en France. Elle a posé comme essentiels quatre principes : l’accessibilité, le droit à compensation, le droit à la scolarisation et l’insertion professionnelle.
Si des avancées sont reconnues (comme le taux d’élèves en situation de handicap bénéficiant d’un accompagnement dans leur scolarité, passé de 26% en 2006 à 47% en 2011), les personnes en situation de handicap restent encore trop souvent exclues (ainsi, seuls 1,4% des clubs sportifs, 3% des sites internet et 50% des établissements recevant du public sont pleinement accessibles).
Les chiffres de la double vulnérabilité
Ces inégalités persistantes atteignent d’autant plus les enfants handicapés en protection de l’enfance, considérés doublement vulnérables.
Selon un rapport du Défenseur des droits de 2015, 17% des enfants accompagnés en protection de l’enfance seraient en situation de handicap. Ces chiffres sont six fois plus élevés que la moyenne nationale. Une enquête menée par le GEPSo, l’ANMECS et la CNAPE en 2024 estime que 40% des établissements de protection de l’enfance accueilleraient des enfants ne correspondant pas à leur habilitation, c’est-à-dire des enfants qui nécessiteraient plutôt un accompagnement par une structure médico-sociale.
Des professionnels peu préparés pour y répondre
Cette situation n’est pas non plus sans effet sur les professionnels qui accompagnent ce public.
Selon cette même enquête, 75% des répondants déclaraient observer un manque inquiétant dans la préparation des professionnels de la protection de l’enfance à la confrontation et prise en charge directe des publics à double vulnérabilité. En Île-de-France, une enquête de l’URIOPSS menée en 2024 révèle que les difficultés concernant l’accueil et la prise en charge d’enfants à double vulnérabilité sont presque unanimement rapportées par les professionnels : chez 98% des répondants en protection de l’enfance et chez 70% des répondants dans le secteur du handicap. De même, les formations initiales, peu adaptées aux réalités du terrain, impactent les accompagnements et la qualité de vie au travail.
Des moyens insuffisants
L’offre de soins en déclin affecte d’autant plus ce public doublement vulnérable.
Entre 2010 et 2022, le nombre de pédopsychiatres en France a ainsi diminué de 34%. Mais avant même toute prise en charge, ce sont les délais pour identifier les enfants porteurs de handicaps qui sont dénoncés. Dans l’enquête de 2024 de l’URIOPSS Ile-de-France, 92% des professionnels interrogés accusent des délais de repérage et de notification MDPH trop longs.
Pour pallier ces manquements en protection de l’enfance, la loi Taquet de 2022 est venue rappeler qu’un bilan d’entrée et un suivi annuel sont obligatoires pour chaque enfant arrivant dans le système – bilan qui avait été systématisé par un décret le 28 septembre 2016. Auditionnée en septembre 2024 par le CESE, la Professeure Céline Gréco (Cheffe du service de médecine de la douleur et palliative à l’Hôpital Necker) révèle néanmoins que « moins de 30% de ces enfants ont un bilan de santé global à l’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance ».
DROIT D’ENFANCE
Droit d’Enfance est une fondation de protection de l’enfance reconnue d’utilité publique depuis 1866, elle accueille et accompagne en Île-de-France plusieurs centaines de garçons et de filles placé(e)s sous sa protection par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Elle accorde une grande importance à éviter les ruptures de placement et à soutenir les familles dans le but d’éviter le placement ou de permettre aux liens de se (re)créer.
La Fondation coordonne et gère également le numéro d’urgence européen 116000 Enfants Disparus qui apporte un soutien juridique, psychologique et social aux familles d’enfants disparus. Enfin, Droit d’Enfance est le membre français du Service Social International (SSI), acteur international de la protection de l’enfance.