Alors qu’une fois encore le gouvernement ne comprend pas de ministère de l’Enfance de plein exercice, plus d’une centaine d’organisations, de collectifs et des personnalités engagées pour l’enfance lancent une pétition pour appeler l’exécutif à désigner un ministre de l’Enfance de plein exercice et à organiser une grande Convention Citoyenne pour les droits et la cause des enfants.

 

La situation des enfants se dégrade

Nous traversons une période d’instabilité démocratique et de fragilité économique et sociale sans précédent dont les enfants paient le prix fort. L’état des lieux fait froid dans le dos : plus de trois millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, soit 1 enfant sur 5 (8 sur 10 à Mayotte), au moins 2 000 d’entre eux vivent à la rue et 40 000 dans des hébergements d’urgence, des milliers d’enfants demeurent non-scolarisés (dont près de 30% des enfants en situation de handicap), l’accès des plus défavorisés à l’offre culturelle et de loisirs se restreint ; l’impact croissant des technologies numériques peine à être régulé; 1,6 million d’enfants et d’adolescents souffrent de troubles psychiques ; et des milliers de mineurs isolés restent sans protection.

Dans le même temps, les multiples remaniements, la dissolution de l’Assemblée nationale et la constitution d’un quatrième gouvernement en l’espace d’un an ont interrompu la continuité de l’action publique en faveur de l’enfance et la maintiennent dans une situation d’incertitude. Le Comité interministériel à l’enfance ne s’est pas réuni depuis plus d’un an, et l’enfance est systématiquement absente des débats politiques.

 

Une réponse publique insuffisante

Face à cette sombre réalité, la réponse publique n’est pas à la hauteur. Les services publics de l’enfance se détériorent dangereusement : la protection de l’enfance connait une crise inédite, l’offre de soins et de prévention décline, la justice pénale des mineurs poursuit son tournant répressif, les logiques de rentabilité contaminent progressivement l’accueil des jeunes enfants, l’accès à l’hébergement et au logement est entravé, et la précarisation et la pénurie de professionnels affectent l’ensemble des secteurs de l’enfance, y compris l’enseignement.

L’impact sur la vie des enfants et l’effectivité de leurs droits est réel, et les tendances alarmantes se confirment : la mortalité infantile s’accroît pour la première fois depuis des décennies, 600 000 enfants supplémentaires sont tombés dans la pauvreté ces 10 dernières années, le recours à l’aide alimentaire grandit, les expulsions locatives se multiplient, comme le recours des enfants aux urgences pour troubles psychiques. Nous vivons désormais dans un pays où 3 000 mesures de protection ordonnées par les magistrats pour des enfants en danger ne sont pas exécutées faute de moyens.

 

Un ministère de l’Enfance : la condition sine qua non

La cause et les droits de l’enfant sont l’affaire de tous mais en premier lieu des décideurs publics qui portent la responsabilité d’agir pour l’intérêt supérieur de l’enfant et l’effectivité de ses droits. Les enfants devraient être les premiers à être protégés par l’action publique. C’est pourquoi nous appelons à l’avènement d’un grand ministère de l’Enfance de plein exercice, véritable chef d’orchestre d’une stratégie globale pour l’enfance, assurant un continuum entre hexagone et outre-mer, à la fois interministérielle et décloisonnée. C’est la condition pour faire de l’enfance une politique prioritaire dotée de moyens suffisants. Ce ministère devra également intégrer les enfants accompagnés dans le cadre de la politique de développement et d’action humanitaire de la France.

L’annonce récente de création d’un haut-commissariat à l’enfance, tout en laissant espérer une attention plus soutenue des pouvoirs publics, n’offre pas de garantie équivalente à celle d’un ministère dédié, ni en termes de prérogatives gouvernementales ni de moyens humains et financiers pour mener des politiques ambitieuses en faveur des enfants.

 

L’affaire de tous

La cause des enfants a aussi besoin d’un élan collectif, porté par la société dans son ensemble. Les enfants eux-mêmes doivent pouvoir participer à cette grande entreprise et faire entendre leur voix. En tant que premiers concernés, ils ont un savoir expérientiel unique, qui s’appuie sur leur vécu et leur expérience du quotidien, et ils ont le droit de voir leur opinion prise en compte dans les décisions qui les concernent, y compris politiques. Une Convention citoyenne visible et rassembleuse pourrait s’articuler autour de demandes fortes : le respect intégral de la Convention internationale des droits de l’enfant et des recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies, l’éradication de la pauvreté infantile, la lutte active pour la protection des enfants contre toute forme de violences, des services publics revitalisés, accessibles à tous et dotés de moyens humains et financiers conséquents, et la sauvegarde effective de notre environnement et du vivant sur Terre, pour un monde accueillant pour les générations futures.

 

Un appel à l’action

Nous appelons donc le Gouvernement à lancer une Convention citoyenne en faveur de l’enfance et des générations futures, et nous invitons chaque citoyen à se joindre à cet appel en signant notre pétition. Cette initiative inédite pourra proposer de grandes orientations et une politique ambitieuse sur le temps long pour lever les obstacles et les freins au développement et à l’épanouissement des enfants, pour éradiquer les insécurités de tous ordres qui les affectent, et pour offrir à tous les enfants toutes les conditions pour bien grandir et cheminer vers leur pleine émancipation.

 

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DROIT D’ENFANCE

Droit d’Enfance est une fondation de protection de l’enfance reconnue d’utilité publique depuis 1866, elle accueille et accompagne en Île-de-France plusieurs centaines de garçons et de filles placé(e)s sous sa protection par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Elle accorde une grande importance à éviter les ruptures de placement et à soutenir les familles dans le but d’éviter le placement ou de permettre aux liens de se (re)créer.

La Fondation coordonne et gère également le numéro d’urgence européen 116000 Enfants Disparus qui apporte un soutien juridique, psychologique et social aux familles d’enfants disparus. Enfin, Droit d’Enfance est le membre français du Service Social International (SSI), acteur international de la protection de l’enfance.