Trois ans après la promulgation de la loi du 7 février 2022, dite « Loi Taquet », et pour la troisième année consécutive, le collectif Cause Majeur ! a mesuré son effectivité pour les jeunes majeur·e·s en lançant une consultation dans son réseau. Les deux premiers questionnaires diffusés en 2023 et 2024 avaient permis de dresser un bilan en demi-teinte, faisant état de nombreuses disparités territoriales et d’importantes marges de progressions. Pire, en cette troisième année de promulgation de la loi, Cause Majeur ! s’inquiète face à certaines régressions constatées et alerte sur la non-application de cette loi : des difficultés demeurent pour de trop nombreux·ses jeunes, encore victimes de sorties sèches et imposées.

 

124 acteur·rice·s de terrain, accompagnant plus de 4500 jeunes au sein de 54 départements ont répondu à ce questionnaire. Cette consultation n‘a pas de visée scientifique mais elle dessine des tendances quant à l’effectivité de la loi du 7 février 2022, notamment sur le volet jeunes majeur·e·s.

 

Quelques progrès confirmés dans l’accompagnement des jeunes majeur·e·s

Les jeunes majeur⋅e⋅s bénéficient d’un meilleur accompagnement éducatif et financier. A l’inverse, le soutien des jeunes sur les dimensions thérapeutiques et administratives reste bien en deçà des ambitions et des besoins. De plus, la durée moyenne de leur accompagnement, en comptant les renouvellements, a très légèrement augmenté : l’âge moyen de sortie de la protection de l’enfance atteint 19 ans et 9 mois, soit une augmentation d’un mois par rapport à 2023. Enfin, les jeunes semblent davantage priorisé·e·s dans l’accès au logement social par rapport aux années précédentes.

 

Des points de régression alarmants

Pour le reste, le collectif « Cause Majeur ! » s’inquiète de la non-application de la loi, qui devrait pourtant être effective trois ans après son adoption. En effet, notre enquête révèle que :

Les jeunes ne sont pas accompagné⋅e⋅s jusqu’à 21 ans : parmi les professionnel·le·s ayant observé un allongement de la durée du contrat, la grande majorité d’entre eux et elles (71%) indiquent que celui-ci ne se poursuit pas jusqu’à 21 ans. En moyenne, les jeunes sont accompagné·e·s pendant 21 mois, soit jusqu’à 19 ans et 9 mois.

Il y a moins d’éducateur·rice·s référent·e·s : 20 % des répondant·e·s signalent l’absence d’éducateur·rice·s référent·e·s, contre seulement 7 % en 2024. Cette évolution souligne une aggravation des difficultés de recrutement et témoigne de la crise d’attractivité que traverse notre secteur ;

Le droit au retour n’est pas effectif : 22 % des professionnel·le·s rapportent que ce droit n’est pas mis en œuvre dans leur département, contre 9 % en 2024. Par ailleurs, 41% déclarent ignorer si ce droit est effectif dans leur département, révélant un manque de traçabilité des parcours ;

Un système à double vitesse et discriminant continue de s’instaurer : cette année, 49% des répondant·e·s accueillant des mineur·e·s non accompagné⋅e⋅s (MNA), soit près d’un·e répondant·e sur deux, estiment que les ancien·ne·s MNA ne bénéficient pas de la même qualité d’accompagnement que les autres jeunes dans leur département. Les conditions se dégradent, puisque les répondant·e·s étaient 43% à le penser l’année passée. En effet, les MNA et les jeunes sous OQTF subissent des ruptures brutales de prise en charge, aggravées par la loi immigration de 2024. Ces jeunes font face à une insécurité, une précarité et un isolement social accrus, révélant des fractures dans le système de protection de l’enfance.

 

De nombreux points de stagnation

Les professionnel·le·s n’observent pas d’augmentation du nombre de « contrats jeunes majeurs » délivrés dans les départements et leur durée (sans compter les renouvellements) demeure beaucoup trop courte, 11 mois en moyenne, avec une médiane de 6 mois contre 9 mois l’an passé, ce qui ne permet pas de sécuriser les jeunes dans leur parcours d’insertion ;

Des refus d’accompagnement non conformes à la loi continuent d’être invoqués par les départements (absence de projet scolaire ou professionnel, comportement jugé inadapté, manque d’adhésion au contrat, saturation des dispositifs ou changement de département pour n’en citer que quelques-uns) ;

Les spécificités de cette loi sont méconnues par beaucoup d’acteur·rice·s de la protection de l’enfance ;

Les entretiens préparatoires à la sortie et 6 mois après celle-ci ne sont pas systématisés ;

D’importantes inégalités territoriales persistent (entre les départements et au sein d’un même département).

 

En conclusion, si nous pouvions parler de bilan en demi-teinte en 2023 et d’absence d’amélioration notable en 2024, le collectif Cause Majeur ! alerte cette année sur la dégradation de l’accompagnement des jeunes majeur·e·s en France. Les inégalités territoriales et la non-effectivité des droits des jeunes majeur·e·s persistent. Florine Pruchon, coordinatrice du collectif et Responsable du pôle plaidoyer chez SOS Villages d’Enfants, insiste : « En moyenne, les jeunes sont accompagné⋅es pendant 21 mois et non pas jusqu’à leurs 21 ans. Il est nécessaire de clarifier, au plus vite, la loi du 7 février 2022 afin que TOU·TE·S les jeunes en situation de vulnérabilité aient les mêmes droits et puissent être accompagné·e·s à minima jusqu’à 21 ans voire jusqu’à 25 ans si nécessaire, quels que soient leur parcours ou origine. » Notre collectif demande également au gouvernement et aux départements de veiller à l’effectivité de cette loi sous tous ses aspects (droit au retour, accompagnement pluriel, conduite des entretiens, etc.), de favoriser sa promotion pour qu’elle soit mieux connue et appliquée et d’accorder aux MNA une prise en charge de qualité au même titre que les autres jeunes accompagné·e·s par la protection de l’enfance.

 

Les résultats exhaustifs de l’enquête de cette année incluant les pourcentages détaillés ainsi que les documents de positionnement du collectif Cause Majeur ! sont accessibles sur demande.

 

Pour télécharger le communiqué de presse, cliquer ici.

 

CAUSE MAJEUR !

Lancé en mars 2019 à l’initiative de SOS Villages d’Enfants et coordonné par cette même association, le collectif Cause Majeur ! rassemble plus de trente associations nationales, collectifs et personnalités qualifiées (jeunes et professionnel·le·s). Ces acteurs ont décidé de s’unir pour remettre au cœur des politiques publiques les jeunes majeur·e·s sortant de la protection de l’enfance ou ayant été pris·e·s en charge par la protection judiciaire de la jeunesse. Cause Majeur ! plaide pour une inclusion pleine et entière de chaque jeune majeur·e dans la société et veille à la cohérence, à l’harmonisation et à l’efficacité des politiques publiques concernant tout·e·s les jeunes.

 

DROIT D’ENFANCE

Droit d’Enfance est une fondation de protection de l’enfance reconnue d’utilité publique depuis 1866, elle accueille et accompagne en Île-de-France plusieurs centaines de garçons et de filles placé(e)s sous sa protection par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Elle accorde une grande importance à éviter les ruptures de placement et à soutenir les familles dans le but d’éviter le placement ou de permettre aux liens de se (re)créer.

La Fondation coordonne et gère également le numéro d’urgence européen 116000 Enfants Disparus qui apporte un soutien juridique, psychologique et social aux familles d’enfants disparus. Enfin, Droit d’Enfance est le membre français du Service Social International (SSI), acteur international de la protection de l’enfance.