En 2022, Cause Majeur ! saluait la promulgation de la loi du 7 février relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet », en ce qu’elle permet plusieurs avancées dans le domaine de l’accompagnement des jeunes majeur·e·s, mais le collectif dénonçait déjà ses insuffisances. Un an après, les craintes de non-effectivité de la loi et de disparités territoriales se confirment : les départements déjà engagés sur ces questions restent bons élèves, certains font certes évoluer leurs pratiques dans le bon sens mais d’autres ne semblent toujours pas opérer de changements. Pour le collectif Cause Majeur ! la question de l’accompagnement des jeunes majeur·e·s n’est donc pas encore résolue.

Nous demandons au gouvernement et au parlement la transformation de l’accompagnement des jeunes majeur·e·s en droit opposable et que tout·e jeune en situation de vulnérabilité puisse être accompagné·e jusqu’à son inclusion pleine et entière.

Un bilan de la loi en demi-teinte, dès sa promulgation

Lors de la promulgation de la loi, Cause Majeur !, qui avait formulé plusieurs propositions de changements législatifs en ce sens, soulignait des avancées sur la philosophie de l’accompagnement des jeunes majeur·e·s et se réjouissait que le projet d’accès à l’autonomie proposé par le Gouvernement soit fortement inspiré de son projet d’accompagnement vers l’âge adulte. Le collectif saluait également l’obligation par les conseils départementaux de proposer une solution aux  jeunes de 18 ans ayant été accueilli·e·s par l’aide sociale à l’enfance et n’ayant pas de ressource ou de soutien familial ; l’instauration d’un droit au retour ; la priorisation de ce public dans l’accès au logement social ; l’organisation d’un entretien un an avant la majorité du·de la jeune au maximum afin de le·la préparer à son passage à la majorité ; ou encore l’organisation d’un entretien 6 mois après la sortie du·de la jeune et la possibilité de le renouveler à la demande du·de la jeune.

En revanche, le collectif dénonçait avec force l’exclusion des jeunes en conflit avec la loi et de tout·e jeune en situation de vulnérabilité non repérée durant sa minorité, qui ne bénéficient en conséquence pas des mêmes droits pour des besoins repérés pourtant similaires. De plus, il s’inquiétait sur le pouvoir d’appréciation à « géographie » variable de chaque Président de Conseil Départemental de mettre en œuvre, ou non, ce projet d’accès à l’autonomie, en évaluant notamment les besoins financiers ou d’accompagnement des jeunes, de manière plus ou moins arbitraire.

Aussi, le collectif regrettait que l’accompagnement socio-éducatif ne soit pas érigé en principe socle dans le décret d’application.

Enfin, Cause Majeur ! soulevait la question des moyens complémentaires de financement, de suivi et de contrôle de la loi : sans un investissement de la part de l’Etat à la hauteur des enjeux, les départements mêmes les plus engagés, seraient dans l’incapacité d’appliquer pleinement la loi et ses décrets. En effet, les 50 millions d’euros annuels annoncés lors de l’adoption de la loi paraissent très insuffisants au regard des 700 millions d’euros budgétés par Cause Majeur ! pour accompagner ces jeunes vers l’autonomie.

L’ensemble de ces éléments laissaient déjà penser que de nombreuses inégalités territoriales persisteraient et que l’effectivité de la loi ne pourrait être atteinte. Qu’en est-il réellement un an après la promulgation de la loi ?

Un an après sa promulgation, les inquiétudes de non-effectivité de la loi et de disparités territoriales se confirment

Selon les membres du collectif, le risque qu’il y ait toujours autant de pratiques que de départements en termes d’accompagnement des jeunes majeur·e·s s’est confirmé.

En effet, plusieurs départements volontaristes, déjà bons élèves avant la loi du 7 février 2022, proposent des accompagnements adaptés aux jeunes majeur·e·s de leur territoire. Quelques cas ont été recensés¹ : un financement de classe préparatoire en médecine et encouragement à la poursuite d’études longues ; quelques accompagnements jusqu’à 21 ans, voire au-delà ; bourses jusqu’à 25 ans dans un département ; quelques lancements d’appel à projets dédiés à la question des jeunes majeur·e·s ; ou encore la bonne application du droit au retour dans certains territoires.

Cependant, ces cas ne sont pas généralisés. Au contraire, de nombreuses situations de non-respect de la loi ont été dénoncées.

Premièrement, la nature et la durée des accompagnements sont trop souvent insuffisantes : les  accompagnements provisoires jeunes majeurs (APJM) restent majoritairement courts (2 à 6 mois) et sont régulièrement réduits à une simple aide financière, avec peu ou pas de suivi socio-éducatif ; trop souvent, le droit au retour n’est pas connu et donc pas ou peu appliqué et plusieurs départements n’accordent aucun APJM aux plus de 18 ans ; les jeunes bénéficiant d’un Contrat Engagement Jeune (CEJ) se voient refuser un APJM alors même que ces deux dispositifs sont cumulables, sous prétexte que leurs revenus dispensés par le CEJ seraient suffisants.

Deuxièmement, la méconnaissance et l’imprécision du texte de loi se font cruellement ressentir : beaucoup de professionnel·le·s n’ont pas encore connaissance des obligations induites par la loi du 7 février 2022 ; la possibilité de cumuler les allocations ou non reste floue, faisant craindre aux équipes d’intervention sociale de faire perdre une partie de leurs ressources aux jeunes accompagné·e·s. Ainsi, les arguments de droit fonctionnent peu et obligent les jeunes et leurs accompagnant·e·s à déposer des recours : la décision rendue récemment par le Conseil d’Etat concernant le département de l’Essonne sert de jurisprudence et conforte la loi, obligeant les conseils départementaux à fournir un accompagnement plus adapté aux jeunes.

A cela s’ajoutent des difficultés financières D’une part, plusieurs structures opératrices dénoncent leurs obligations de « sortir » des jeunes majeur·e·s pour accueillir de nouveaux·elles mineur·e·s dans une logique de place disponible ; des retours en famille non choisis ont lieu ; des risques de fermeture de services accompagnant les majeur·e·s par manque de financement de la part des départements, etc.

Pour toutes ces raisons, Cause Majeur ! estime que la loi du 7 février 2022 nécessite d’être à la fois corrigée et renforcée, mais aussi financée et mieux connue des professionnel·le·s de l’enfance. L’accompagnement socio-éducatif et financier des jeunes majeur·e·s doit devenir un droit opposable pour tout·e jeune en situation de vulnérabilité, quel que soit son parcours en protection de l’enfance (ASE, PJJ ou jeune non repéré·e durant sa minorité) jusqu’à son inclusion pleine et entière dans la société.

¹ L’ensemble des informations et exemples cités ne sont pas exhaustifs. Ils sont le fruit de remontées au sein du collectif Cause Majeur ! étant donné qu’il n’existe pas encore d’étude nationale sur ces sujets.

 

Cause Majeur !

Lancé en mars 2019, le collectif Cause Majeur ! rassemble près de trente associations nationales, collectifs et personnalités qualifiées (jeunes et professionnel·le·s) qui ont décidé de s’unir pour remettre au cœur des politiques publiques les jeunes majeur·e·s sortant de la protection de l’enfance ou ayant été pris·e·s en charge par la protection judiciaire de la jeunesse. Cause Majeur ! plaide pour une inclusion pleine et entière de chaque jeune majeur·e dans la société et veille à la cohérence, à l’harmonisation et à l’efficacité des politiques publiques concernant tout·e·s les jeunes.

Notre document de positionnement et nos recommandations clefs peuvent être transmis sur demande.

Compte Twitter : @CauseMajeur

 

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