Bonjour Faiza, quelle est ta mission de juriste au sein du 116 000 ?

Faiza Salem : En tant que membre de la cellule de suivi, j’accompagne les parents victimes de la disparition de leur enfant. Il peut s’agir d’une fugue, d’une disparition inquiétante ou d’un enlèvement parental, mais c’est surtout dans ce dernier cas que je suis sollicitée. Les enlèvements parentaux sont des cas complexes. Le parent est souvent démuni face à ce qui lui arrive et recherche un interlocuteur.

Qu’est-ce que ces parents attendent comme conseils ?

FS : Ils cherchent surtout à comprendre. Pourquoi a-t-on refusé de prendre ma plainte ? Comment leur conjoint a-t-il obtenu des documents d’identité ou des autorisations de sortie de territoire pour l’enfant sans qu’il le sache ? Pourquoi les autorités ne communiquent-elles pas toutes leurs informations ? Et surtout pourquoi tout cela prend autant de temps : pourquoi les procédures civiles ou pénales engagées sont si lentes. De leur point de vue l’histoire et les faits sont clairs.

Comment les aides-tu à surmonter cela ?

FS : J’essaye de leur apporter des éléments pour mieux saisir leur situation, leurs droits et ceux de leur conjoint ainsi que le fonctionnement des juridictions dans les cas d’enlèvements parentaux. Pour les déplacements illicites à l’international, il faut aborder le sujet de la parentalité et du droit de la famille dans les différents pays. Je leur parle aussi de la possibilité d’entamer une médiation, mais ils pensent généralement que cela ne convient pas à leur situation. Le plus souvent, ce refus cache la peur du parent d’être jugé par son entourage sur ses choix et sa vie de famille. Il est important de ne pas prendre parti et faire abstraction de son jugement personnel. L’intérêt de l’enfant est le point central de mes réflexions et échanges avec le parent.

Dans quelle situation se trouve généralement le parent lorsqu’il contacte avec le 116 000 ?

FS : Les demandes sont multiples mais la majorité des appels concernant un enlèvement parental constituent des demandes de soutien juridique juste après l’enlèvement. Il arrive que certaines personnes se renseignent sur des moyens de prévention lorsqu’elles ont des doutes sur les intentions de leur conjoint suite à des tensions ou des décisions de justice sur la garde de l’enfant par exemple. Dans ce type de situation, on aborde la question de la médiation, mais aussi des outils juridiques à leur disposition comme l’Interdiction de Sortie du Territoire (IST) et l’Opposition à la Sortie de Territoire (OST). Enfin, certains parents nous contactent plusieurs années après la soustraction de l’enfant. Dans ces cas-là, c’est une détresse qui appelle souvent à un accompagnement psychologique plutôt que juridique. En effet, après plusieurs années, le domicile familial peut ne plus être considéré comme la résidence habituelle de l’enfant, et les possibilités de réponses judiciaires s’amenuisent.

Est-ce qu’il t’arrive parfois de travailler en binôme avec les psychologues et travailleurs sociaux de la cellule de suivi ?

FS : En tant que juriste, je dois présenter les choses de manière objective, mais cela peut être difficile pour le parent et rendre plus complexe le lien que j’essaye de tisser avec lui au fil de l’accompagnement. Il faut donc trouver un juste équilibre entre l’aspect psychologique et l’aspect juridique. Prendre le temps d’échanger, être à l’écoute, faire abstraction de son jugement personnel permet d’accompagner efficacement la famille. Dans certaines situations, je peux être amenée à proposer au parent un suivi par un des psychologues de notre équipe. Les parents ont besoin de soutien et qu’on les aide à prendre un peu de recul sur leur situation.

 

Merci Faiza. Et à très bientôt pour de nouvelles interviews avec les membres de la cellule de suivi du 116 000 Enfants Disparus.